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Sauvegarde du Patrimoine du village de Flamarens dans le Gers

En 1894, l'architecte agenais Ephraïm Pinètre entreprend la restauration de l'église

Suite à la visite pastorale de l’abbé Cazauran le 19 août 1889 et à l’enquête diocésaine  de 1845, il est apparu que « l’église de Flamarens sous un mauvais lambris en bois était peu harmonieuse et demandait de grandes  réparations » (1). Aussi, le Conseil de Fabrique instauré depuis 1829 (2), décide d’entreprendre des travaux de restauration et approuve le plan proposé par l’architecte agenais M. Ephraïm Pinètre.

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De 1894 à 1898, l’église de Flamarens va connaître d’importants travaux de restauration comme en témoignent plusieurs documents auxquels nous avons eu accès:

  • Un échange de correspondance entre  l’architecte et le curé l’abbé Molès.
  • Un journal du curé intitulé « affaire du projet du chœur de l’église et exécution des travaux de la nef »
  • Divers documents du conseil de Fabrique et du Conseil Municipal.

Le 5 juillet 1891, le Conseil de Fabrique approuve un plan de restauration de l’église proposée par M. Pinètre, architecte à Agen pour la somme de 7283 F. Ces travaux comportent la révision complète de la toiture, la confection d’une voûte en briques sur croisée d’ogives supportée par des piliers et des arcs doubleaux, l’abaissement des croisées du chœur, le ravalement et les peintures de l’ensemble, la dépose et la remise en place des vitraux.

Le 12 juillet 1891, le Conseil Municipal décide de s’associer au projet et accepte une part contributive de 1000 F. Pour le surplus, une demande est adressée au département et à l’état.

Le 16 juin 1891, le Préfet confie la direction des travaux à la Fabrique et accorde un secours de  2500 F au nom de l’état.

Mais le Conseil Municipal, bien qu’ayant émis un avis favorable au projet, fait désormais traîner les choses alors que le délai de deux ans accordé pour débuter les travaux expire le 16 juin 1894.

Le 4 mai 1894, l’adjudication a enfin lieu à la sous-préfecture de Lectoure en présence de trois candidats. C’est un maçon de Flamarens Victor Yzombard, qui ayant accordé un rabais de 13% emporte le marché !

Le Conseil de Fabrique en réunion du 1er juillet, demande d’employer le rabais de 850 F consenti précédemment pour les travaux de la nef, aux travaux du chœur et autorise le trésorier à passer un marché de gré à gré avec M. Yzombard concernant ces travaux pour la somme de 1300 F.

Le 30 juin 1894, M. Pinètre dresse les plans de restauration du chœur et propose un devis estimatif de 1417 F. Le projet nécessite de nombreuses démarches à la Préfecture avec fournitures de pièces justificatives, plans et rapports et occupe une partie de l’été 1894.

Le 17 août 1894, les travaux de restauration de la toiture commencent enfin. On change lattes et chevrons défectueux et 2100 tuiles neuves sont acheminées sur le chantier par le tuilier Coupeau.

En septembre Mr Pinètre trace les fondations des piliers de la nef. Les ouvriers commencent les fouilles. Après plusieurs couches de terre noire rapportée et de sable caillouteux, on trouve à 1m40 de profondeur, des ossements humains presque tous décomposés et au-dessous, de l’argile enfin la terre ferme. Simultanément on aménage la sacristie avec ravalement au plâtre et construction d’un placard.

En octobre, le Conseil de Fabrique demande une subvention à l’état pour les travaux du chœur. On commence à combler les fouilles avec du béton de chaux. L‘ancien autel de Sainte Philomène est placé dans la sacristie afin d’y dire la messe pendant les travaux. Les tailleurs de pierres ont commencé à réaliser en pierre dure du pays venant de Gramont, le pilier qui doit être mis à la place de la chaire. C’est alors que la réfection de la toiture révèle un imprévu: une grosse ferme est en mauvais état. L’entrepreneur demande le prix fort pour la changer : 100 F de fourniture plus la main d’œuvre plus coûteuse encore !  M. Pinètre trouve ce prix trop élevé et  décide de la réparer au moyen de moises et de colliers de fer.  M. le curé fait remarquer que la réparation proposée pour la poutre pourrait bien ne pas offrir toute la garanti pour bâtir l’arc formeret, arc destiné à recevoir la retombée de la voûte à son intersection avec le mur vertical. Le problème de la poutre s’amplifie lorsque M. l’archevêque prétend que cette grosse réparation incombe à la commune. Comme personne ne veut payer, M. Pinètre décide alors de suspendre les travaux de la poutre jusqu’à ce que l’on forme les arcs formerets.

En décembre 1894, M. le Curé expose à M. Despiaux, chef de bureau de 2e division à la préfecture, l’affaire de la poutre avec plans et devis à l’appui.  Après examen, celui-ci confirme que cette grosse réparation relève de la Commune. Les relations avec le Conseil Municipal se tendent et les conseillers ne veulent plus entendre parler de cette affaire et refusent d’approuver le projet. Il n’est dès lors plus possible de demander un secours à l’administration supérieure. Le Curé Molès va devoir user de diplomatie auprès des conseillers pris séparément, afin de les faire changer d’avis. Finalement le Conseil va  accepter de revoir sa position mais à la condition que les fabriciens prennent l’engagement de ne plus rien demander à la commune !

Le 15 novembre, le curé prend l’engagement personnel de se substituer à la commune au cas où celle-ci serait imposée d’office.

En janvier 1895, cinq piliers de la nef sont déjà réalisés à hauteur des chapiteaux. Les fouilles des piliers de l’entrée du chœur commencent. Celles du midi vont à 2 m de profondeur et celles du pilier Nord à 1,75 m. Elles sont aussitôt comblées de béton de chaux. M. Pinètre visite le chantier. Il indique la manière d’asseoir les petits-arc sur les vieux piliers. Il conseille de faire les voûtes du bas-côté, montre la manière de lever l’épure des arcs doubleaux et la façon dont tous les arcs au-dessus des chapiteaux doivent prendre naissance à la même hauteur.

En février, six journées de travail sont nécessaires pour entailler les vieux piliers plus une autre pour le gros pilier de la sacristie. On monte le pilier en face de la sacristie. Un wagon de pierres de Sireuil en Charentes arrive en gare de Valence d’Agen. M. le Curé ne trouvant pas de bouviers pour effectuer le transport sur le chantier, l’entrepreneur devra s’en charger.

En mars le conseil municipal approuve enfin les plans et le devis du chœur. L’entrepreneur a de grandes difficultés pour élever les voûtes, visiblement il n’a jamais exécuté un tel travail ! Devant les inquiétudes de M. le curé, l’architecte propose de faire l’épure à grande échelle à condition de lui fournir les mesures exactes.

En juin, M. Chambert maire de Flamarens, écrit au sous-préfet afin de prier la Fabrique de rétablir au plus tôt la marche de l’horloge communale, arrêtée depuis le début des travaux. Les rapports entre le conseil municipal et la Fabrique sont apparemment toujours aussi tendus et ne se font que par sous-préfet interposé! L’architecte prépare les plans de restauration du Chœur. Le Président de la Fabrique M. Tartanac, lui demande de descendre le moins possible les croisées du chœur et demande au maire de lui verser la somme de 1000 F de subvention communale.

En juillet les quatre travées de la nef sont presque terminées mais des difficultés apparaissent avec des ouvriers qui quittent le chantier.

En août, l’architecte remet à M. Yzombard les plans d’un pilier pour commencer les travaux du chœur mais celui-ci refuse de signer cette pièce. La Fabrique demande au Conseil Municipal de rétablir les 100 F pour le carillonneur.

En septembre, M. le Curé envoie par la poste 400 F à M. Pinètre pour ses honoraires et relève les numéros de billets ! La préfecture lui apprend que les subventions du département et de l’état sont annulées, les travaux n’ayant pas commencé dans le délai imparti de deux ans après leur octroi. On demande aux notables Messieurs d’Estival, Lannelongue, Décamps, Daguzan et Thoulouse d’intervenir auprès de l’administration et du ministère des Cultes.

En octobre les travaux prennent du retard à la suite de différents entre l’entrepreneur et ses associés Messieurs Ducasse et Laborie qui finissent par partir. L’entrepreneur abandonne alors le chantier. Celui-ci étant arrêté, la Fabrique prend les choses en main. Par acte sous-seing privé, elle oblige l’entrepreneur à faire face à ses engagements et lui impose le nombre d’ouvriers qu’elle estime nécessaire. Ces ouvriers seront sous sa responsabilité, à charge pour lui de les faire travailler et de les payer. La Fabrique mettra à sa disposition les sommes nécessaires pour leur rémunération et le paiement des fournitures sur justificatifs. Les sommes ainsi remises seront puisées dans une caisse spéciale alimentée à l’aide de mandats signés par l’entrepreneur. Celui-ci n’aura donc qu’à s’en prendre à lui-même si elles dépassent les devis. Le travail reprend donc selon les conditions de cet accord mais on sent venir l’ombre de problèmes financiers.

En décembre l’architecte trace les fondations des piliers du chœur. La Fabrique cherche des tailleurs de pierre pour 3 ou 4 F par jour, M. Pinètre en envoie deux qui demandent 4 et 5 F. Mais enfin les ouvriers sont là et commencent à descendre la petite croisée du Nord. Huit jours sont nécessaires.

En janvier 1896, les travaux avancent, de nouveaux ouvriers ravaleurs arrivent, peinture et filotage des voûtes sont en cours. Le sculpteur Brun est à pied d’œuvre.

En février, la subvention de l’état de 2500 F est enfin versée. Le travail va bon train et  la réception provisoire des travaux de la nef est prononcée le 16 septembre 1796. Cependant,  les malheurs de l’entrepreneur ne cessent pas pour autant.

M. Lauzin, négociant de bois à Valence d’Agen, voyant ses factures de 1885 F toujours impayées, engage une procédure de saisie-arrêt contre la Fabrique en vue de récupérer  totalité ou partie de cette somme due par l’entrepreneur. Pratiquée par M. Ducom,  huissier de justice à Miradoux le 28 octobre 1896, elle est validée par le jugement du tribunal civil de Lectoure le 11 août 1897. La Fabrique tergiverse pour gagner du temps et les exploits d’huissier continuent. Mais le 16 août 1898, M. Lauzin envoie un mémoire au Conseil de Préfecture afin de l’informer que passé le délai voulu, il engagera une action en justice contre les représentants légaux de la Fabrique afin de les contraindre à verser entre ses mains la somme de 1885 F due par elle à M. Yzombard.  Devant la menace, la Fabrique s’exécutera en partie. Mais l’entrepreneur sortira de cette affaire  pratiquement ruiné et les  13% de rabais qu’il avait consenti pour gagner le marché, n’auront rien arrangé.               

Malgré tout, les travaux sont désormais terminés et la réception définitive est prononcée le 22 avril 1898.

La restauration totale aura coûté 7733, 70 F dont  663,70 F d’honoraires d’architecte qui  aura fait  25 déplacements d’Agen à Flamarens !

L’affaire continuera sur le plan juridique dans un climat social difficile, aspirant à la séparation de l’Eglise et de l’état, chose qui sera faite par la loi en 1905.

Devant un entrepreneur défaillant et un Conseil de Fabrique insolvable, Mr Lauzin se retournera vers la commune de Flamarens. Elle sera condamnée en 1907 à lui  payer la somme de 1000 F due par M. Yzombard alors que les responsabilités sont à partager entre l’architecte et la Fabrique! Le premier a sous-estimé le devis en ne prenant pas en compte les frais d’échafaudage considérables indispensables pour  la reconstruction des voûtes et qui ont nécessité une énorme quantité de bois facturée 1885 F. La Fabrique ensuite, pour avoir imposé au  malheureux Yzombard de prendre à sa charge les nombreux imprévus : doublement du cubage des fondations, transports des pierres depuis la gare de Valence d’Agen...  

Nef en 1932              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes :    1 - Documents fournis par l’abbé Lapinski

                2 - L’article 76 de la loi du 18 Germinal an X de la République rendait exécutoire l’institution auprès de chaque Paroisse d’une Fabrique chargée de veiller à l’entretien et à la conservation des édifices religieux et à l’administration des aumônes. Les conseillers de Fabrique étaient nommés par l’Evêque à partir d’une liste éligible présentée par le maire et le Curé.

D’après Gilbert Blanc (Article paru dans le journal mensuel La Lomagne de juin 1990)

Date de dernière mise à jour : jeudi, 02 février 2023

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